Au coin du feu

Au coin du feu

Plutôt que rien : démontages
19 janvier >> 26 mars 2011
Maison populaire de Montreuil
Exposition collective

Commissaire Raphaële Jeune.
3 février 2012

écoutez ici la bande son :

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Au coin du feu

Plutôt que rien : démontages
19 janvier >> 26 mars 2011
Maison populaire de Montreuil
Exposition collective

Commissaire Raphaële Jeune.
3 février 2012

Catalogue édité par La maison populaire, 15 euros :
http://www.r-diffusion.org/index.php?ouvrage=LMP-01
e
t en version digitale ici
https://www.artbookmagazine.com

Feu de cheminée en résine, Coussin et tapis, Bande Sonore.
P. Nicolas Ledoux aurait voulu que le protocole de Plutôt que rien : démontages propose une accumulation des œuvres au gré des jours d’exposition et non leur disparition systématique le soir après avoir été installées dans la journée. Intéressé par la perturbation créée par des voisinages non désirés, il aurait aimé que chaque artiste ait à négocier la présence de son œuvre dans l’encombrement ainsi généré. Bien entendu, les artistes de la fin auraient eu plus de difficulté à faire le vide autour de leur pièce que ceux du début.

Cette règle du jeu pourrait faire l’objet d’une autre expérimentation très certainement passionnante par les situations qu’elle provoquerait : les artistes devraient contribuer à manipuler et interpréter les œuvres des autres, plus ou moins fragiles, plus ou moins percutantes, tenter de s’en débarrasser ou réorganiser l’espace de manière à assumer un ensemble dans lequel la leur trouverait sa visibilité et son sens…

P. Nicolas Ledoux a donc essayé de concrétiser cette idée en persuadant les artistes voisins de son intervention de laisser s’accumuler les œuvres : Julien Discrit, la veille, a laissé sa HP matricielle et Guillaume Aubry le lendemain, a accepté de réaliser son œuvre-action « Les trois sœurs » dans un espace déjà habité par les installations des deux artistes précédents : une imprimante, un coin cheminée. C’est le collectif &nbsp qui, le surlendemain, a éprouvé le besoin de faire place nette et de retrouver le white cube, sans lequel sa proposition n’aurait pas trouvé sa justesse. Et c’était pour le mieux, car l’exposition commençait à prendre une tournure normale de group show !

Avec Au coin du feu, P. Nicolas Ledoux déjoue l’ostentation constitutive de toute exposition, recréant dans un angle du centre d’art plongé dans la pénombre un coin cheminée cosy, où le visiteur peut s’installer et goûter l’intimité et la chaleur (symbolique) d’un foyer artificiel. Ainsi, l’œuvre implique de tourner le dos aux spectateurs, adhérents de passage ou internautes, se repliant sur un micro-espace à l’attraction étrange, comme si le feu, de sa présence fascinante bien que factice, et les coussins disposés sur un tapis moelleux, parvenaient à ramener à eux l’espace entier.

Le proximité amicale de Marcel Duchamp, et de ses propos doucement enrobés par des bribes de musique planante et le crépitement des flammes, déplacent le centre d’art entier dans un salon du 38 West de la 10ème rue à New York, en 1961, où un feu nous réchauffe en même temps que les accents de sa voix. Dans ce montage sonore créé par Ledoux, Duchamp nous parle en toute intimité de la place de Paris et de New York en matière de création artistique, du nouveau statut de marchandise de l’œuvre d’art, des notions de succès et de grand public, apparues après guerre, de l’élasticité du temps, de l’incapacité de ses contemporains à juger leur époque, et du côté «sympathique» de la vie qui consiste à ne pas savoir ce qui se passe.

Le temps d’un jour, le centre d’art adopte une identité inédite, entre la caverne préhistorique et le petit salon et depuis la webcam, des ombres mystérieuses se découpent sur la lueur du foyer qui semble bien vivant. Jamais white cube n’avait connu pareille transformation.

Raphaële Jeune

écoutez ici la bande son :

« Plutôt que rien » est une série de trois expositions conçues par Raphaële Jeune, en collaboration avec le philosophe Frédéric Neyrat, comme tentatives d’explorer et d’éprouver les enjeux de la notion de transformation aujourd’hui, telle que l’art la travaille et telle qu’il est travaillé par elle.
Commissaire et philosophe entretiennent un dialogue continu pour élaborer tout au long de l’année une réflexion-action en lien avec les artistes et les œuvres, à partir de leurs recherches qui se rejoignent sur de nombreux points, chacun ayant son mode d’approche spécifique : à-venir, devenir, pensée de la relation, altération, critique du flux, écosophie, etc.
Fruit du mouvement des choses et des relations entre les choses, la transformation est la dynamique élémentaire de l’existence, du microscopique au macroscopique. Le processus vital naît d’un excès de la vie sur elle-même, d’une poussée en avant : il y a toujours quelque chose plutôt que rien. Cette vérité leibnizienne nourrit l’histoire du monde et de la pensée depuis l’Antiquité. Héraclite déjà annonçait : tout coule. Aujourd’hui plus que jamais, nous regardons le monde comme une boule de flux en tous sens (l’Hydroglobe), comme une interaction généralisée. Mais une interaction dont les mouvements nous dépassent et menacent le vivant. Ainsi les clés de la transformation aujourd’hui ne semblent plus entre nos mains, tous nos projets d’émancipation paraissent frappés d’impuissance, et la conscience de plus en plus prégnante de la finitude de l’espèce humaine ouvre de nouveaux abîmes… ou de nouveaux horizons. Le pro-jet – le jet devant soi – ne serait-il pas en réalité la puissance de vie elle-même, la dynamique du devenir ouvert et non programmable, s’écrivant toujours au gré des rapports changeants entre les êtres et les choses ? Le processus même d’altération comme suite interminable de relations toujours renégociées et jamais figées, construisant au fur et à mesure leur propre sens, nous invite à reconsidérer notre rapport au monde, à l’autre… A condition que ce mouvement « altératoire » ne se referme pas sur lui-même comme le fait le capitalisme, mais soit générateur d’écart, de bifurcation, d’échappée, de discontinuité, à condition que quelque chose se dépose, plutôt que rien. La puissance de l’art a ici toute sa place.

Avec:  , Art Orienté objet, Guillaume Aubry, Fayçal Baghriche, Pauline Bastard, Neal Beggs, Armand Behar, Keren Benbenisty, Dominique Blais, Roxane Borujerdi, Olivier Capparos, Maïté Ceglia, Collectif 1.0.3, Didier Courbot, Julien Discrit, Carole Douillard, frédéric dumond, Aymeric Ebrard, Julie Fortier, Jakob Gautel, Kel Glaister, Marie‑Jeanne Hoffner, Charlie Jeffery, Bertrand Lamarche, P.Nicolas Ledoux, LN G, Damien Marchal, Aurélien Mole, Julien Nédélec, Marylène Negro, Ludovic Paquelier, Romain Pellas, Laurent Pernel, Gerald Petit, Régis Perray, Émilie Pitoiset, Marie Reinert, Évariste Richer, Guillaume Robert, Nicolas Simarik, Julien Tiberi, Laurent Tixador, Cyril Verde.